L'université française en crise où le Bateau ivre

Publié le par Bruno Tranchant

 

Cela n’est plus un secret pour personne : l’université française subit désormais une crise profonde. Cette crise, certes, n’est pas nouvelle mais elle atteint un niveau inimaginable. Car, contrairement à ce que prétend inlassablement la Droite, la France n’est pas le pays qui investit le plus dans son système de formation et de recherche

Quand on sait, que dans un pays démocratique la formation de la jeunesse est déterminante, on peine à comprendre cet immobilisme. Or, la qualité de l’enseignement supérieur a beau constituer la clé de voûte de la démocratie, le gouvernement actuel s’obstine à traiter l’université française en parent pauvre. Et au risque de voir se tarir dans peu d’années le vivier de chercheurs et d’étudiants, s’ajoute le déclin de l’enseignement supérieur français, donc de la recherche. 

 

1 Reconstruire et démocratiser l’enseignement supérieur :

 En 2002, 1 515 000 étudiants étaient inscrits dans les 81 universités françaises. Et si l’on fait une rapide comparaison avec les années précédentes, on trouve une multiplication par cinq tous les trente ans. En 1938, il y avait 60 000 étudiants inscrits en université et on en recensait 300 000 en 1968. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes : au fil des années, l’université est devenue une institution de masse. Mais si le facteur démographique joue un rôle important dans la crise actuelle, il n’explique pas tout. L’Université française connaît une détresse matérielle, budgétaire et intellectuelle comme l’attestent la fuite des cerveaux français qui n’obtiennent pas de poste à l’Université ou à la Recherche ou la baisse considérable du nombre d’étudiants étrangers qui viennent compléter leurs études en France.

Ces urgences nécessitent une augmentation significative des moyens donnés à l’enseignement supérieur ; c’est pourquoi notre candidate, dans le Pacte Présidentiel, souhaite adopter une loi de programmation pour redonner à nos universités les moyens de l’excellence.

Cette reconstruction doit se doubler d’une véritable démocratisation de l’enseignement supérieur. En effet, tous les chiffres démontrent que seuls les pays qui ouvrent largement leur université au plus grand nombre obtiennent les niveaux de formation les plus élevés. La Finlande possède 76% d’une classe d’age à l’université alors que la France n’en comporte qu’à peine 31% ! S’ajoute le fait que près de 40% des étudiants de premier cycle quittent les facultés sans aucun diplôme (nombre trois fois plus élevé que dans les autres pays européens). Parmi ces 40% d’échecs avant la licence, ce sont les jeunes des milieux populaires qui sont le plus touchés. Ce véritable massacre au cours du 1er degré provoque non seulement l’appauvrissement du vivier d’étudiants mais plus grave encore, un sentiment de rejet chez des jeunes dont les familles ont investi beaucoup dans une réussite universitaire dont elles se sentent exclues. Au delà des conséquences purement universitaires, la cassure entre une partie de la jeunesse, souvent la plus fragile, et la société incarnée par l’Université est d’une extrême gravité.

   

2 Améliorer les conditions de vie et de travail des étudiants :

 L’enseignement supérieur français reste profondément marqué par l’opposition entre la filière des grandes écoles et celle des universités. Si l’un des systèmes est riche, l’autre est scandaleusement pauvre. Concrètement, 6500 euros sont investis en moyenne pour chaque étudiant universitaire et près du double, soit 12 600 euros investis en moyenne pour son homologue des classes préparatoires de grande école !

L’Université est ouverte à tous, sans sélection et pour une somme modique. Cette quasi-gratuité justifie t-elle la vétusté des locaux ? Nos bâtiments universitaires sont parmi les plus crasseux et délabrés de tous les pays développés. Il faut réaliser par exemple, que l’Université de ParisX-Nanterre, construite en 1964, a été conçue pour recevoir 14 000 étudiants quand trente ans plus tard, 35 000 sont inscrits. Personne ne peut nier le délabrement des universités : locaux vétustes et souillés, insuffisance de places dans les amphithéâtres, photocopieuses toujours en panne… Pire, bien que l’on s’en défende, une sélection inégalitaire et injuste croit au sein de l’Université : en France, elle joue contre les défavorisés, ceux qui sont mal orientés et dont la famille connaît mal le système, quand le jeune issu d’un milieu favorisé rentrera systématiquement dans une filière « porteuse » et donc sélective qui lui assurera une place sur le marché du travail.

La répartition des étudiants entre les filières à l’université n’est pas non plus sans conséquence pour l’avenir. En effet, il y a de quoi s’étonner en apprenant que près d’un tiers des étudiants suivent des cursus de lettres et de sciences humaines sans trop de débouchés professionnels et à l’heure où les postes de professeurs ouverts par concours sont en chute libre. Si l’enseignement supérieur n’est pas responsable du chômage, il doit cependant garantir à chacun l’accès à une qualification reconnue sur le marché du travail. C’est le sens de la proposition de Ségolène Royal de créer un véritable service public de l’orientation.

Il faut ajouter à cela, la nécessité pour 30% de nos étudiants de trouver des petits boulots pour financer leurs études. Pourtant, chaque jeune devrait se voir assurer des conditions matérielles d’existence afin de poursuivre et réussir les études de son choix. Pour sortir les jeunes d’un choix contraint entre précarité et dépendance, les organisations étudiantes réclamaient depuis de nombreuses années une allocation autonomie pour les étudiants défavorisés. Cette mesure nécessaire a bien été entendue par Ségolène Royal qui l’a intégrée dans le Pacte Présidentiel.

   

Car se battre au nom d’une démocratisation en profondeur pour une Université accessible au plus grand nombre, c’est refuser de permettre aux étudiants de rentrer librement dans l’enseignement supérieur pour mieux y échouer massivement.

Publié dans Les Présidentielles

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